De plus en plus médiatisé, le biomimétisme reste encore souvent confondu avec la seule « imitation de la nature ». Les nombreux exemples relayés dans la presse grand public sont séduisants : le velcro, inspiré de la Bardane ; le fameux effet lotus, qui permet de concevoir des surfaces autonettoyantes, ou encore des pales d’éoliennes dont les bords d’attaque
Papillon Morpho
Le Papillon Morpho, source d’inspiration pour les énergéticiens

De plus en plus médiatisé, le biomimétisme reste encore souvent confondu avec la seule « imitation de la nature ». Les nombreux exemples relayés dans la presse grand public sont séduisants : le velcro, inspiré de la Bardane ; le fameux effet lotus, qui permet de concevoir des surfaces autonettoyantes, ou encore des pales d’éoliennes dont les bords d’attaque miment ceux des nageoires des baleines à bosse, sans compter le magnifique papillon Morpho qui égaie cette page. Mais si nous avons des chances de rencontrer les deux premiers exemples dans notre vie quotidienne, force est de constater que le troisième est beaucoup plus présent sur les réseaux sociaux que dans les champs d’aérogénérateurs. Alors, si l’on devait s’en tenir à cette vision-là, le risque serait bien réel que le biomimétisme ne soit, finalement, qu’un « buzz » tout aussi éphémère que superficiel.

Fort heureusement, il est bien plus que cela.

Le biomimétisme, c’est aussi et surtout une manière d’interroger notre mode de développement en observant le fonctionnement de la nature, de l’échelle des organismes vivants jusqu’à celle du fonctionnement des écosystèmes eux-mêmes, voire de la biosphère dans son ensemble. C’est, finalement, une manière de considérer que la nature est une jauge, un mentor, pour évaluer la pertinence, la résilience et finalement la durabilité de nos pratiques, de nos techniques, de nos organisations, de l’entreprise à la communauté locale d’acteurs voire jusqu’à la société toute entière.

Les leçons que nous pouvons en tirer sont alors nombreuses. Et leurs implications vertigineuses, tant notre fonctionnement au sein de la « technosphère », de cette économie speedée, dopée aux énergies fossiles bon marché et au crédit facile diffère des « principes du vivant » patiemment mûris et sélectionnés par 3,8 Milliards d’années d’évolution.

Performantes et efficaces, mais seulement dans un contexte bien particulier, nos entreprises et plus largement nos sociétés sont souvent dépendantes de choix énergétiques et technologiques à sens unique. Notre présent, et plus encore l’avenir sont aujourd’hui fortement influencés, voire même conditionnés, par les choix du passé. Choix eux-mêmes souvent effectués « par défaut », faute d’une information complète ou d’une réelle volonté d’en analyser l’ensemble des conséquences à moyen ou long terme. Le constat qui en découle, c’est que notre marge de manœuvre et notre liberté d’action se restreignent, précisément au moment où nous en aurions le plus besoin. Pour préparer l’avenir, il ne sert à rien d’en appeler systématiquement à l’innovation, si celle-ci se trouve limitée dans ses applications et modalités d’expression. Ce que nous hésitons de plus en plus à appeler « progrès » est alors un peu comme un train qui ne peut que suivre ses rails, quelle que soit la volonté de son conducteur.

Dans ce contexte, que l’on se dise optimiste et qu’on parie sur le retour de la croissance par l’innovation technologique, ou au contraire que l’on soit convaincu d’un effondrement systémique de l’économie et des sociétés humaines n’a de sens que si l’on se réfère au passé. C’est de nouvelles perspectives et d’un regard neuf dont nous avons le plus besoin aujourd’hui.

De manière presque diamétralement opposée à la manière dont nous nous sommes organisés, le fonctionnement des systèmes vivants et le secret de leur longévité repose sur une incroyable plasticité. Si nous ne devions retenir qu’une leçon du vivant, alors qu’il y a tant, ce serait avant tout celle de son agilité, de ses capacités d’adaptation et d’évolution. Le système vivant planétaire est, si l’on veut bien se donner la peine de l’interroger, une formidable source d’inspiration pour des stratégies permettant de faire face à l’imprévu.

On voit que dans cette perspective, la véritable promesse du biomimétisme va bien au-delà de celle qui consiste nous inspirer des organismes vivant pour nos innovations, même si c’est déjà un premier pas très prometteur. Mais là où le biomimétisme peut nous emmener beaucoup plus loin, et avec nous nos organisations, nos économies et nos territoires, c’est en tant que source d’inspiration pour de nouvelles approches d’adaptation au changement, de résilience et d’agilité face à l’incertain. En somme, le biomimétisme, loin du « buzz » actuel, c’est un nouveau regard sur le vivant et une nouvelle manière d’envisager notre avenir. Beau programme, non ?